“ La Belgique a un devoir vis-à-vis de notre communauté : il faut récupérer les gens qui sont en bas, valoriser leur savoir parler, savoir faire et savoir être, leur donner une utilité. (...) Les accompagner comme ça, ce sera utile.” (membre de la communauté subsaharienne)
La crise urbaine se concentre dans les quartiers défavorisés de Bruxelles Une grande part des habitants de Bruxelles sont confrontés à de nombreux problèmes, plus que dans les autres grandes villes du pays. Il s'agit de jobs salariés et logements qui sont de moins en moins disponibles, pauvreté et solitude, discriminations... Du coup, les personnes concernées se voient déconnectées de la partie dominante de la société. Beaucoup d'entre elles ne se considèrent plus comme acteurs de la ville mais plutôt comme victimes d'une crise urbaine multiple qui frappe avec force les quartiers défavorisés de Bruxelles.
Les réponses politiques sont insuffisantes Le pouvoir public essaie de trouver des solutions mais parfois les réponses choisies renforcent davantage le sentiment de désaffiliation. Prenons d'abord la politique dominante de l’ « activation » de personnes sans emploi. Ces personnes se voient contraintes à courir constamment derrière un inaccessible boulot, et donc de ne rien faire qui leur permette d’exercer leurs talents propres. Ou prenons les Contrats de Quartier Durables. Cet outil de revitalisation urbaine a permis de réhabiliter l’espace public, de supprimer des chancres, et d’améliorer l’équipement d’intérêt collectif. C'est indispensable mais malheureusement le potentiel des habitants est rarement considéré comme atout à mobiliser. Souvent les habitants sont mêmes considérés comme faisant partie de la crise : c'est leur décrochage scolaire, leur chômage, leur religion ou connaissance de langues qui sont identifiés comme problèmes. Ainsi, de nombreuses personnes ne se sentent pas concernées par ces programmes. Prenons aussi les politiques de logement social gérées de manière technocratique où les locataires sont vus comme des consommateurs captifs. Et finalement, prenons les politiques de prévention axées sur la sécurité ciblant des populations et des zones jugées menaçantes. Toutes ces politiques considèrent les personnes et les quartiers comme faisant partie du problème et s’activent à les gérer au niveau local.
« On pourrait mutualiser des outils entre les membres : des tondeuses de gazon, des foreuses, des vélos… Ca créera des liens entre les gens, c’est avantageux, et c’est bon pour l’environnement. » (candidat propriétaire du CLTB)
Une autre approche, mobilisant les atouts des gens, est possible Le projet CitizenDev se base sur un autre constat : tous les individus ont des compétences. Souvent ils sont intégrés dans des réseaux locaux d'échange et d'entraide, peu connus par les pouvoirs publics mais hyper-importants pour les quartiers populaires. Et de nombreux collectifs citoyens présents à Bruxelles constituent de véritables écoles de démocratie et d'intégration sociale. Ces collectifs collectent, gèrent et se partagent les ressources des quartiers et créent du bien-être pour tous.
C'est pourquoi le projet CitizenDev propose d'identifier les atouts présents dans nos quartiers populaires, de les croiser et de soutenir les initiatives citoyennes existantes, ou de faire émerger de nouvelles initiatives collectives, basées sur ces atouts. Nous proposons de passer d'une activation sous contrôle des populations fragilisées à un processus de capacitation. Nous voulons soutenir les citoyens pour qu'ils soient davantage des acteurs influents sur leur cadre de vie, connectées avec leur communauté, les réseaux associatifs et les pouvoirs publics. De la sorte, nous visons à renforcer la capacité des communautés locales à trouver des solutions aux défis de tous.
« Dans les assoc., tu dois avoir un diplôme, une expérience… Dans les collectifs, tu ne dois pas faire tes preuves. Le collectif va chercher en toi ton potentiel.» Candice, membre d'un collectif citoyen sur http://selfcity.be/
ABCD - Asset-based Community Development Ce faisant, nous appliquons pour la première fois à Bruxelles la méthode Asset-Based Community Development (ABCD). Cette méthode est axée sur la mise au jour des compétences des gens et des groupes, au lieu de se focaliser sur leurs problèmes. La première phase, dans le cadre de cette méthode consiste à cartographier les forces et les envies des personnes, ainsi que l’ensemble de ce qu’ils estiment être des ressources formelles ou informelles dans leurs communautés. Sans nier les conflictualités, il s’agit de rechercher de nouveaux modes de mobilisation, de capacitation et de coopération.
La méthodologie ABCD a déjà été utilisée avec succès dans plusieurs pays, principalement anglo-saxons, où le recours au travail communautaire est très implanté. ABCD n'a pas fait l'objet d'expérimentations dans le contexte bruxellois, ni dans des contextes comparables où les pouvoirs publics jouent un rôle plus directif dans le développement urbain et plus actif en matière de répartition sociale que dans les pays anglo-saxons. Il est donc évident que nous adaptons la méthode au contexte local de Bruxelles.
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